Tilman Rodenhauser, Legal Adviser, ICRC

L’adoption de la résolution intitulée « Protéger les civils, ainsi que les autres personnes et biens protégés, contre le coût humain potentiel des activités numériques menées dans les conflits armés », lors de la XXXIVe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, a marqué un jalon historique. Elle ne constitue toutefois qu’une première étape dans les efforts déployés par le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, notamment dans le cadre de l’Initiative mondiale en faveur du droit international humanitaire (DIH), pour protéger les civils contre les menaces numériques et parvenir à une communauté de vues avec les États sur les limites que le DIH pose à l’utilisation des technologies numériques dans les conflits armés.

Lors de la XXXIVe Conférence internationale, le Mouvement et les États ont adopté la première résolution sur les activités numériques à visée humanitaire. Cette adoption a marqué un tournant majeur, compte tenu de l’importance du numérique pour les civils, y compris en période de conflit armé, et du risque croissant que des cyberopérations viennent perturber des services essentiels destinés aux personnes en détresse. Pour la première fois dans un cadre multilatéral, les États, de concert avec le Mouvement, se sont engagés à « protéger les civils ainsi que les autres personnes et biens protégés dans les situations de conflit armé, y compris contre les risques résultant des activités numériques malveillantes » (paragraphe 1 du dispositif). Ils ont en outre réitéré « que, dans les situations de conflit armé, les règles et principes du DIH […] contribuent à protéger les civils ainsi que les autres personnes et biens protégés, notamment contre les risques résultant des activités numériques » (paragraphe 4 du dispositif), et ont appelé les parties aux conflits à respecter et protéger le personnel médical et le personnel humanitaire, « y compris dans le cadre de leurs activités numériques » (paragraphes 6 et 7 du dispositif).

S’il ne s’agit là que d’une première étape, elle n’en demeure pas moins essentielle pour garantir le respect du DIH et la protection des civils dans un contexte de numérisation croissante des conflits armés. Ainsi, ces douze derniers mois, la résolution a servi de base pour orienter les processus multilatéraux et les travaux du Mouvement.

Deux avancées se dégagent de ces processus :

  1. Dans le cadre du Groupe de travail à composition non limitée des Nations Unies sur les technologies numériques, de nombreux États – tous continents confondus – ont mis en avant la réussite que constituait l’adoption de cette résolution et ont proposé que le rapport final du Groupe en reprenne textuellement certains éléments.
  2. La résolution a ouvert la voie à la création d’un groupe de travail sur le numérique dans le cadre de l’Initiative mondiale en faveur du DIH lancée en septembre 2024 par l’Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, la France, la Jordanie et le Kazakhstan, conjointement avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Ce groupe de travail, qui sera actif de 2025 à 2026, est coprésidé par le Ghana, le Luxembourg, le Mexique et la Suisse. Il est ouvert à tous les États intéressés, ainsi qu’à d’autres parties prenantes. À l’instar de la résolution elle-même, il se concentre sur les préoccupations humanitaires les plus pressantes que suscite l’utilisation des technologies numériques dans les situations de conflit armé. Il vise également à promouvoir une compréhension commune entre les États des limites que le DIH impose aux activités numériques menées dans les conflits armés en vue de protéger les populations civiles.

La résolution encourage également les composantes du Mouvement à poursuivre le dialogue avec les États, les civils menant des activités numériques et les entreprises technologiques privées concernant le DIH et son application dans l’environnement numérique (paragraphes 9 et 11 du dispositif). Le CICR, pour sa part, continue d’intégrer dans ses activités des messages clés sur les limites humanitaires et légales auxquelles les opérations numériques sont soumises.

Enfin, un travail important a été réalisé concernant un futur emblème numérique. La résolution encourage le CICR à continuer de mener des consultations et de dialoguer activement avec les États et les composantes du Mouvement pour « évaluer et établir plus précisément la finalité spécifique et la faisabilité technique d’un emblème numérique » (paragraphe 12 du dispositif). Peu après la Conférence internationale, les quelque 160 entreprises technologiques signataires de l’Accord sur la cybersécurité se sont engagées à promouvoir l’emblème numérique et à collaborer en vue de sa concrétisation. Quelques mois plus tard, le Comité international de médecine militaire a également exprimé son soutien à l’élaboration d’un tel emblème.

En résumé, l’adoption de cette résolution démontre la capacité unique du Mouvement à contribuer « au respect et au développement du DIH » à l’ère des nouvelles technologies de guerre, et a permis de donner l’impulsion et le soutien nécessaires à la poursuite des travaux dans ce domaine.

ICRC Humanitarian Law & Policy Blog · Hacking humanitarians: operational dialogue and cyberspace

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