Article rédigé par la Croix-Rouge allemande, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Fédération internationale), le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Centre de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge sur le climat
Contexte : l’action anticipative permet de sauver des vies et de préserver les moyens de subsistance
En raison du changement climatique, les phénomènes climatiques et météorologiques tels que les tempêtes, les vagues de chaleur, les sécheresses, les inondations et les incendies de forêt sont devenus plus fréquents et plus extrêmes. Les vies et les moyens de subsistance sont de plus en plus menacés par la crise climatique en cours, en particulier dans les contextes fragiles et touchés par des conflits. En outre, les États, la société civile et les organisations humanitaires sont aujourd’hui confrontés aux effets inédits et cumulés d’une combinaison de phénomènes dangereux. Ce constat est ressorti clairement lorsqu’il a fallu affronter la pandémie de Covid-19 partout dans le monde, tandis que la situation était aggravée par des aléas climatiques et météorologiques préexistants.
Il y a pourtant une bonne nouvelle : nous pouvons passer à l’action avant d’être frappés par des événements qui pourraient être dangereux. Les avancées technologiques nous ont donné les moyens de prévoir de plus en plus précisément où et quand de tels événements se produiront. Nous avons donc le temps d’agir avant une catastrophe et, ainsi, de sauver des vies et de préserver les moyens de subsistance. En s’appuyant sur ses dizaines d’années d’expérience dans le domaine de la préparation aux catastrophes et de l’intervention en cas de catastrophe, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Mouvement) a été le premier à utiliser les nouvelles technologies pour mettre en place le financement fondé sur les prévisions (FbF), une approche anticipative qui associe des prévisions fiables à des plans d’action et des accords de financement préétablis.
Cette approche est justement appliquée par le pilier anticipatif du Fonds d’urgence pour les secours lors de catastrophes (DREF) de la Fédération internationale. Il débloque des fonds pour les verser aux Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Sociétés nationales) avant une éventuelle catastrophe, ce qui permet à celles-ci de fonder leur action sur des prévisions ainsi que des plans d’action officiels ayant fait l’objet d’un accord préalable – les protocoles d’action rapide (PAR). Le pilier anticipatif est accessible à l’ensemble des 192 Sociétés nationales. Depuis sa création en 2018, 22 Sociétés nationales ont soumis des demandes de financement au titre de ce système et élaboré 33 PAR portant sur toute une gamme de dangers et de risques.
Situation actuelle : résultats obtenus et lacunes à combler
L’important potentiel innovant du financement fondé sur les prévisions a incité de nombreux acteurs extérieurs au Mouvement, notamment des institutions des Nations Unies, à élaborer et à mettre en œuvre des approches similaires. Le recours aux approches anticipatives est de plus en plus fréquent dans le monde entier, et un nombre croissant d’éléments laissent penser que ce type d’approches non seulement sauve des vies et protège les moyens de subsistance, mais permet aussi de fournir une aide humanitaire plus rapidement, avec un meilleur rapport coût‑efficacité et dans le respect de la dignité des personnes concernées.
Le mouvement mondial en faveur de l’intensification de l’action anticipative prend de l’ampleur, comme en témoignent notamment deux résolutions (A/RES/74/218 et A/RES/72/132) de l’Organisation des Nations Unies (ONU), une déclaration publiée par le G7, les conclusions du Conseil de l’Europe sur la réduction des risques de catastrophe, la Note d’orientation sur la préparation aux catastrophes de la Direction générale de la protection civile et des opérations d’aide humanitaire européennes, le Cadre de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) relatif à l’action anticipative dans la gestion des risques de catastrophe, ainsi que la Déclaration de Maputo publiée par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Dans tous ces documents, il est demandé aux États membres des organisations concernées de renforcer l’action anticipative. Les efforts de coopération interorganisations menés à cette fin ont notamment abouti à la mise en place de l’Anticipation Hub, plateforme en ligne destinée à faciliter l’échange d’informations techniques et les activités communes d’apprentissage sur l’action anticipative ; du Partenariat pour des actions rapides prises en connaissance des risques, coalition intersectorielle visant à intensifier l’action anticipative ; et de l’initiative Early Warnings for All, lancée par le Secrétaire général de l’ONU pour faire en sorte que chaque personne sur Terre soit protégée par des systèmes d’alerte précoce d’ici à 2027. Toutes ces initiatives ont fortement contribué à créer une dynamique favorable dans ce domaine.
Cependant, il reste encore du chemin à parcourir pour réaliser le plein potentiel de l’action anticipative. Ainsi, le financement fondé sur les prévisions privilégie actuellement les aléas climatiques et météorologiques ayant des effets immédiats (dont les tempêtes et les inondations), plutôt que les phénomènes moins visibles et à évolution lente (dont les vagues de chaleur et les sécheresses). La pandémie de Covid-19 a accru le besoin de passer d’une réflexion limitée aux aléas climatiques et météorologiques à une prise en compte des autres dangers et crises, afin de pouvoir anticiper les effets qu’ont les dangers combinés sur les vulnérabilités, en particulier dans les contextes fragiles et touchés par des conflits.
Objectif et portée de la résolution : intensifier l’action anticipative
En juin 2022, le Conseil des Délégués a adopté la résolution intitulée « Renforcer l’action anticipative au sein du Mouvement : la voie à suivre » afin d’étendre la portée de l’action anticipative à davantage de communautés, de types de dangers et de contextes nationaux. Soumise par la Croix-Rouge allemande, la Fédération internationale, le CICR et le Centre de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge sur le climat, cette résolution vise à renforcer la capacité du « Pilier rouge » à agir en amont des phénomènes extrêmes, en demandant notamment aux composantes du Mouvement d’intégrer l’action anticipative dans leurs cadres et processus opérationnels, d’accroître les investissements dans les capacités d’action anticipative des Sociétés nationales, de développer les connaissances, l’échange d’informations et la sensibilisation en matière d’action anticipative, d’étendre les approches existantes aux aléas sans lien avec les phénomènes météorologiques et d’apporter une réponse aux risques cumulés, y compris dans les zones touchées par un conflit.
La résolution a marqué une étape importante dans les efforts déployés par le Mouvement pour passer de la réaction à l’anticipation. Depuis son adoption, le nombre de plans d’action anticipative élaborés par les Sociétés nationales a augmenté. Le pilier anticipatif du DREF a accepté huit PAR, et trois autres sont en cours d’examen. Un PAR pour les mouvements de population est également en préparation, et des discussions préliminaires sur des PAR pour les zones touchées par des conflits ont été engagées. En outre, la Fédération internationale a facilité l’accès des Sociétés nationales à des financements destinés à des activités prévues dans le cadre du pilier anticipatif, en simplifiant le processus de mise en œuvre des PAR et en permettant aux Sociétés nationales de demander des fonds plus tôt. Le nombre de partenaires de l’Anticipation Hub est par ailleurs passé de 89 à 107. Afin de suivre et d’orienter les progrès en matière de mise en œuvre, un rapport intérimaire sera soumis au Conseil des Délégués en 2024.
En plus de l’engagement qu’elles ont pris de plaider auprès des États en faveur de l’adoption d’approches anticipatives et de l’accroissement des investissements dans ce domaine, les composantes du Mouvement s’emploient à obtenir que l’action anticipative soit inscrite à l’ordre du jour de la XXXIVe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en tant que question humanitaire intéressant aussi bien les composantes du Mouvement que les États parties.
Informations complémentaires sur ce sujet
Résolution : « Renforcer l’action anticipative au sein du Mouvement : la voie à suivre » (CD/22/R2)
