Renforcer les cadres juridiques et réglementaires pour mieux gérer les risques de catastrophe
par Isabelle Granger, cheffe d’unité, Droit relatif aux catastrophes et rôle d’auxiliaire, Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Fédération internationale), et Jeanique Serradinho, coordinatrice du programme sur le droit relatif aux catastrophes pour l’Afrique du Sud, Fédération internationale.
Partout dans le monde, la fréquence et l’intensité des catastrophes augmentent et sont aggravées par les changements climatiques. Les personnes en situation de vulnérabilité et celles qui sont les plus exposées à ces phénomènes, en particulier les communautés qui vivent dans des zones à haut risque, les peuples autochtones, les minorités raciales et ethniques, les personnes âgées et les personnes handicapées, subissent souvent de manière disproportionnée les conséquences des catastrophes et des situations d’urgence.
La gouvernance des risques de catastrophe, autrement dit l’ensemble des lois, politiques, plans et dispositifs institutionnels liés à la gestion des risques de catastrophe, constitue la base d’un système robuste permettant de faire face aux risques de catastrophe dans un monde de plus en plus soumis aux aléas. Il est donc vital de renforcer la gouvernance dans ce domaine et de mettre en place des lois, des politiques et des plans bien conçus, bien compris et bien mis en œuvre pour protéger les personnes contre les effets des catastrophes, que le changement climatique vient encore aggraver.
La Fédération internationale est consciente de cet enjeu depuis plus de 20 ans. En 2023, elle a compilé dans un document unique et exhaustif deux décennies de recherche approfondie, d’expérience et de recommandations en lien avec le droit relatif aux catastrophes : les Lignes directrices sur la gestion des risques de catastrophe – Renforcer les lois, les politiques et les plans pour une gestion complète et efficace des risques de catastrophe (Lignes directrices). Celles-ci ont pour objet d’aider les États à renforcer leur gouvernance des risques de catastrophe, afin d’être juridiquement prêts à faire face aux catastrophes et aux situations d’urgence. Ces lignes directrices décrivent les aspects fondamentaux d’un système de gestion des risques de catastrophe efficace. Elles abordent également les questions relatives à la prévention et l’atténuation de ces risques ; à la préparation, l’action anticipative et la réaction face à ceux-ci ; ainsi qu’au redressement. Elles comportent en outre des sections consacrées à des types de catastrophes particuliers, à l’aide internationale en cas de catastrophe, aux facilités juridiques accordées aux acteurs dans ce domaine, à la protection et l’inclusion des groupes vulnérables, au soutien psychosocial et en santé mentale et, enfin, aux déplacements liés aux catastrophes.
Des instruments internationaux ont aussi reconnu que la gouvernance joue un rôle majeur dans l’efficacité de la gestion des risques de catastrophe. Ainsi, le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030) a fait du renforcement de la gouvernance l’une de ses quatre priorités d’action. Cependant, le récent Rapport sur l’Examen à mi-parcours de la mise en œuvre du Cadre de Sendai a fait ressortir que les progrès accomplis dans ce domaine sont inégaux et que l’amélioration des cadres juridiques demeure dans bien des cas nécessaire et prioritaire[1]. En conséquence, les États ont été exhortés à renforcer et compléter leur gouvernance des risques de catastrophe et à s’assurer qu’ils disposent de cadres juridiques et politiques robustes à tous les niveaux[2].
À la lumière de ces conclusions et de l’élaboration des Lignes directrices, la Fédération internationale entend profiter de la XXXIVe Conférence internationale, en tant qu’enceinte internationale essentielle à la poursuite du dialogue et des réflexions sur les cadres juridiques et politiques relatifs à la gestion des risques de catastrophe[3], pour proposer une résolution appelant les États à renforcer leur préparation juridique aux événements catastrophiques. Le projet de résolution offrira en outre la possibilité de reconnaître les nouvelles Lignes directrices comme un outil non contraignant mais important pour appuyer les efforts des États en ce sens. Enfin, il propose de réaffirmer le mandat conféré à la Fédération internationale et aux Sociétés nationales vis-à-vis du droit relatif aux catastrophes, tout en soulignant qu’elles sont aptes et disposées à soutenir les États dans leurs démarches visant à renforcer les cadres juridiques et politiques.
S’inscrivant dans le prolongement de plusieurs résolutions adoptées par la Conférence internationale depuis 2007 en lien avec le droit relatif aux catastrophes[4], le projet de résolution identifie clairement les domaines essentiels au renforcement de la gouvernance des risques de catastrophe, notamment : la préparation juridique, les dispositifs institutionnels pour la gestion des risques de catastrophe, les approches innovantes en la matière, et les cadres juridiques pour l’assistance internationale en cas de catastrophe. Le texte encourage les États à se doter d’une panoplie complète d’instruments pour gérer les risques de catastrophe, aborde des questions particulières nécessitant des cadres juridiques et réglementaires, des politiques et des plans plus précis, et rappelle à cet effet la pertinence des Lignes directrices. Il précise en outre de quelle manière des instruments nationaux peuvent renforcer les dispositifs institutionnels, en favorisant une approche inclusive qui mobilise l’ensemble du gouvernement et l’ensemble de la société, ainsi qu’en définissant les rôles et les responsabilités des acteurs pertinents dans les domaines suivants : la prévention des catastrophes, l’atténuation, la préparation, l’action anticipative, l’intervention et le relèvement. La résolution proposée incite aussi les États à gérer les risques de catastrophe moyennant des démarches innovantes et proactives (plutôt que réactives), y compris au travers de dispositions juridiques, de politiques et de plans couvrant des sujets particuliers tels que les systèmes d’alerte précoce, la réduction des risques de catastrophe et le relèvement. Reconnaissant que de nombreux États ne sont juridiquement pas préparés à recevoir des secours internationaux en cas de catastrophe dépassant leurs capacités d‘intervention, elle les exhorte à poursuivre leurs efforts dans ce domaine. À cette fin, elle leur recommande notamment d’utiliser les Lignes directrices relatives à la facilitation et à la réglementation nationales des opérations internationales de secours et d’assistance au relèvement initial en cas de catastrophe (Lignes directrices IDRL) pour guider leurs efforts. Enfin, la résolution proposée prend note des perspectives quant à l’élaboration d’une nouvelle convention internationale ou d’un autre instrument fondé sur le Projet d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe de la Commission du droit international, et salue les efforts engagés par les États pour poursuivre le dialogue à ce sujet.
Bien que les États aient accompli des progrès importants dans le renforcement de leurs cadres juridiques et politiques relatifs à la gestion des risques de catastrophe, il est manifeste que beaucoup reste à faire. Alors que la communauté internationale s’apprête à aborder des problèmes humanitaires cruciaux lors de la XXXIVe Conférence internationale, le projet de résolution intitulé « Renforcer la gouvernance des risques de catastrophe au moyen de lois, de politiques et de plans globaux relatifs aux catastrophes » vise à catalyser les efforts menés en concertation pour favoriser la résilience et améliorer la sécurité de tous, notamment les groupes en situation de vulnérabilité et ceux qui risquent le plus de subir de plein fouet les effets des catastrophes. Il représente la possibilité de multiplier les échanges, de relancer la dynamique et d’attirer davantage l’attention sur l’importance de renforcer la préparation juridique aux catastrophes et aux situations d’urgence. Ce projet de résolution permettra également de mieux faire connaître les nouvelles Lignes directrices à la communauté internationale, ainsi que de mettre en lumière les domaines critiques au sujet desquels les instruments juridiques devront être encore consolidés. Enfin, en mettant l’accent sur le mandat conféré à la Fédération internationale et aux Sociétés nationales dans ce domaine, la résolution proposée permettra de s’assurer que celles-ci sont bien placées pour fournir aux États le soutien dont ils ont besoin pour renforcer leur gouvernance des risques de catastrophe.
Pour en savoir plus :
Site Web : Site de la Fédération internationale sur le droit relatif aux catastrophes (en anglais)
IFRC releases new Guidelines on Disaster Risk Governance (article en anglais)
Résolution 4 de la XXXe Conférence internationale
Résolution 7 de la XXXIe Conférence internationale
Résolution 6 de la XXXIIe Conférence internationale
Résolution 7 de la XXXIIIe Conférence internationale
[1] Rapport sur l’Examen à mi-parcours de la mise en œuvre du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030, pp. 42–43.
[2] Résolution 77/289 de l’Assemblée Générale des Nations Unies, para. 26(c)
[3] Résolution 7 de la XXXIe Conférence internationale (2011), par. 18
[4] Résolution 4 de la XXXe Conférence internationale (2007), Résolution 7 de la XXXIe Conférence internationale (2011), Résolution 6 de la XXXIIe Conférence internationale (2015) et Résolution 7 de la XXXIIIe Conférence internationale (2019).
The International Committee of the Red Cross, the International Federation of Red Cross and Red Crescent Societies, and the Standing Commission of the Red Cross and Red Crescent, in its function as Trustee of the International Conference of the Red Cross and Red Crescent (the Conference), cannot be held responsible or liable in any manner for any user-generated content or posts on this Database. In the event that the Website team considers any post or content to be incompatible with the Fundamental Principles of the International Red Cross and Red Crescent Movement and/or with the objectives of the Conference, it reserves the right to remove such content.